S'attaquer à Wong Kar Wai, ça n'est jamais facile. Parce qu'on a trop aimé In the Mood for Love, on est prêt à tout pardonner, même les films mineurs.

Je n'ai presque rien gardé en mémoire de 2046... peut-être que My Blueberry Nights sera plus facile à digérer... Le film n'est pas mauvais, mais l'esthétisme qui est la marque du réalisateur ne nous touche pas comme dans ses films "chinois".

Ici, il s'attaque à l'Amérique. Les monstres sacrés : New York et le métro aérien, le road movie, les petits boulots dans les "diners" qu'on trouve au bord de la route... Ce qui pourrait apporter de la fraîcheur à son univers est estropié par ce style si reconnaissable dont il n'arrive pas à s'affranchir...

Malgré tout c'est très beau bien sûr...
Certains acteurs sortent du lot : Rachel Weisz magnifique, Nathalie Portman dans une composition très fine, à la limite de la vulgarité... (cheveux peroxydés, épaules bronzées, t-shirts bariolés...). Norah Jones aux lèvres sucrées est convaincante, Jude Law trop sage, trop beau... on dirait qu'il manque un peu d'espace pour donner de l'épaisseur à son rôle, dommage.
Une très belle apparition de Chan Marshall aussi (alias Cat Power), qui habite déjà le film avec ce qui reste ma chanson préférée d'elle: "The Greatest" (j'ai toujours les larmes qui me montent aux yeux sur les premières notes, comment quelque chose de si triste peut être si beau?). Elle est troublante cette fille, il y a quelque chose de sauvage dans son regard...
La B.O. est comme d'habitude de très bonne tenue, avec pourtant un choix saugrenu : la reprise du thème d' In the Mood for Love à l'harmonica...bizarre.

L'histoire a du mal à démarrer.
C'est Elizabeth, qui sort d'une rupture, et qui raconte ses peines de coeur à Jeremy, un barman qui sait écouter. Le récit décolle vraiment quand elle décide de partir, après un baiser volé dans son sommeil. Il lui faudra 300 jours pour se perdre et se retrouver, sur la route, à Memphis, Las Vegas, rencontrer des gens, voir un peu ce qui se passe dans la vie des autres, pour finalement guérir et se retrouver au même endroit qu'au début : dans ce café parfait, pour un baiser parfait, avec ce mec parfait.

Parfois, il faut en passer par toutes ces choses pour aller mieux, tourner la page, vivre avec soi-même et avec les autres.

A plusieurs reprises, j'ai pensé à High Fidelity: la scène dans la rue au pied de l'immeuble, à épier les faits et gestes de celui qui est parti, comment digérer une rupture...

Un Wong Kar Wai mineur donc, mais pas détestable, contrairement à ce que j'ai pu lire ici où là...