... c'est un chouette petit bistrot-resto, plutôt haut de gamme avec plein de saveurs dans l'assiette : langoustines relevées par le goût de la roquette (ou serait-ce du pissenlit?), saint-jacques aux betteraves parfaitement cuites, pommes cuites caramélisées...

Et dans nos verres?
Des bulles, des robes rouges somptueuses, un Armagnac terrible de 1968, on en boit comme du petit lait.

Sous la verrière, on s'enivre gaiement :

Il faut être toujours ivre.
Tout est là:
c'est l'unique question.
Pour ne pas sentir
l'horrible fardeau du Temps
qui brise vos épaules
et vous penche vers la terre,
il faut vous enivrer sans trêve.
Mais de quoi?
De vin, de poésie, ou de vertu, à votre guise.
Mais enivrez-vous.
Et si quelquefois,
sur les marches d'un palais,
sur l'herbe verte d'un fossé,
dans la solitude morne de votre chambre,
vous vous réveillez,
l'ivresse déjà diminuée ou disparue,
demandez au vent,
à la vague,
à l'étoile,
à l'oiseau,
à l'horloge,
à tout ce qui fuit,
à tout ce qui gémit,
à tout ce qui roule,
à tout ce qui chante,
à tout ce qui parle,
demandez quelle heure il est;
et le vent,
la vague,
l'étoile,
l'oiseau,
l'horloge,
vous répondront:
"Il est l'heure de s'enivrer!
Pour n'être pas les esclaves martyrisés du Temps,
enivrez-vous;
enivrez-vous sans cesse!
De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise."

Charles Baudelaire

Miroir
94, rue des Martyrs
75018 Paris