Attention : danse intelligente!!

Sidi Larbi Cherkaoui et Damien Jalet ont choici le mythe de Babel pour leur dernière création qui vient achever le triptyque commencé avec Foi et Myth.
Les trois pièces étaient présentées à la Grande Halle de la Villette fin juin-début juillet.

Je n'ai pas eu la chance de voir Foi et Myth, mais j'ai été éblouie hier soir par Babel (words).
La représentation était suivie d'une rencontre avec les artistes, un dialogue d'une heure avec Damien Jalet, deux danseurs et une musicienne.

Je ne savais pas à quoi m'attendre, n'ayant jamais vu leur travail et n'ayant rien lu dessus avant.

Une douzaine de danseurs sur scène, tous de nationalités différentes (Québec, Japon, Italie, Inde...), pour réaliser un seul pari : trouver un langage commun, un territoire d'entente.

Le rythme d'abord.
Sur des musiques vivantes et jouées sur scène, tous se servent de leurs "backgrounds" différents pour participer, proposer, danser ensemble. Ces horizons divers sont réunis en un même lieu : le lieu de la danse.
Un danseur fera cette remarque après le spectacle : c'est parfois difficile de se comprendre quand on ne parle pas la même langue et qu'on n'a pas la même sensibilité culturelle ou artistique. La danse et la musique (qu'on pense souvent comme des langages universels) ont aussi leurs codes, et pour danser ensemble il faut d'abord s'apprivoiser.
Au départ, chacun dessine son territoire au sol, bien aligné face au public.
Ensuite les lignes se croisent, les espaces s'emboitent, notamment grâce à un personnage hors du commun : le décor.

Il faut saluer le travail passionnant d'Antony Gormley qui a créé pour cette pièce 5 structures métalliques émotives et touchantes. Ou comment quelques tiges de métal dispersées sur la scène deviennent un danseur à part entière, qui bouge en harmonie avec des danseurs de chair.
On imagine le casse-tête pour apprivoiser ces cubes géants, aux volumes identiques mais aux dimensions diverses : pour les chorégraphes (comment les emboîter et les faire bouger pour que cela fasse sens?) et pour les danseurs (le mouvement doit paraître naturel & fluide, tout en dansant autour et dedans).

Damien Jalet nous dira ensuite qu'ils ont cherchés des danseurs à la technique bien "ancrée dans le sol" plutôt que fluide et légère.
On peut le comprendre quand on assiste à cette expérience physique intense, cette danse qui résonne dans l'espace comme une transe et qui nous laisse aussi essoufflés que les danseurs.
On apprend aussi qu'à l'issue des trois mois de travail préalables, la compagnie disposait de 3h de matériel, finalement ramenées à 1h45 (pour un spectacle plus digeste sans doute, mais on a très envie de voir le reste!).

La danse est parfois interrompue pour laisser place à la parole (souvent avec humour).

Cherkaoui et Jalet s'intéressent notamment aux neurones miroir (qui se réveillent lorsque quelqu'un exécute une action ou observe un autre individu exécuter la même action : "en neurosciences cognitives, ces neurones miroirs sont supposés jouer un rôle dans des capacités cognitives liées à la vie sociale notamment dans l'apprentissage par imitation, mais aussi dans les processus affectifs, tels que l'empathie"- merci Wikipédia).
Ce développement est particulièrement bien trouvé et colle parfaitement au thème de Babel.
Il trouve même un écho émouvant dans le public qui expérimente une réelle empathie avec la troupe : on est emportés dans cette spirale, exaltés, à bout de souffle comme les danseurs.

On pourrait écrire un roman sur cette pièce... je laisse pas mal d'aspects tous aussi intéressants de côté, j'en ai déjà écrit une bonne tartine...
Je vous conseille vraiment d'y aller, c'est jusqu'au 7 juillet.

Sinon, séances de rattrapage du 13 au 15/01/2011 à la Maison de la Danse à Lyon.

Une belle galerie de photos ici.