Les nuits de la pleine lune

J'avoue mon inculture, je n'avais jamais vu aucun film de Rohmer.

Fabrice Luchini l'avait longuement évoqué dans son spectacle Le Point sur Robert (que j'ai vu deux fois) il y a deux ans.
Il nous avait raconté le tournage de Perceval, nous avait fait rire, donné envie de voir ses films (même dans la langue de Chrétien de Troyes, il faut le faire!).

Et puis les hommages à sa mort ont été nombreux, et m'ont donné envie de découvrir son univers.

Je me suis donc calée sous la couette avec ce film, quelque part autour de minuit, et je n'ai pas décroché une seule seconde.

Louise (l'étonnante Pascale Ogier, on ne voit plus des actrices comme ça...) est avec Rémi (Tchéky Karyo), qui habite la banlieue. C'est une femme libre, un peu femme-enfant, qui aime séduire innocemment, sortir, rencontrer des gens et voir ses amis.
Le problème avec Rémi, c'est qu'il l'aime trop. Et quand on l'aime trop, elle aime moins...
Elle prend un pied à terre à Paris, pour être plus libre, et connaitre un peu cette fameuse "solitude" qui semble avoir tant d'attraits.
La chute de l'histoire n'en sera que plus ironique et amère...

Cela fait tout drôle de voir Fabrice Luchini tout jeune, déjà brillant... Il joue Octave, personnage ambigu dès le départ, ami amoureux de Louise, lui tourne autour, à l'affût d'un moment de faiblesse.

Les dialogues sont magnifiques. Très écrits... j'ai lu quelque part que c'était de la littérature filmée, c'est exactement ce que j'ai ressenti.
Pourtant ils sonnent tellement naturels. On pourrait être là, à leur place, à disserter sur les sentiments et la liberté, assis dans un café.

Un passage notamment, où Octave explique à Louise ce besoin viscéral d'habiter la ville plutôt que la campagne, parce-qu'on se sent alors au centre du monde :

Octave : On dit que je suis mondain. C'est pas vrai. Les mondains sont des gens qui vivent toujours dans le même cercle étroit de relations, qui vivent dans Paris comme dans un village. Moi j'aime de plus en plus les endroits impersonnels comme ici : les cafés sans clientèle d'habitués. Noyé dans l'anonymat ça m'inspire, tu ne peux pas imaginer. La semaine prochaine je reviens là pour écrire. Il y a des écrivains qui se retirent à la campagne pour travailler, alors là... je ne comprends pas du tout. Tu pourrais vivre à la campagne toi?

Louise : Bah, vivre non. Enfin je ne peux pas dire que j'aime pas la nature... ça m'angoisse c'est vrai.

Octave : Oh le matin surtout c'est terrifiant! Le matin ensoleillé avec les brumes évanescentes sur les prairies...

Louise : Et le silence de midi avec le bourdonnement des guêpes!

Octave : Et le calme des soirs! Ici ça ne m'angoisse pas. L'air est mauvais, mais je respire! Là-bas l'air est bon mais j'étouffe! J'ai besoin de me sentir au centre, au centre d'un pays, au centre d'une ville qui serait presque le centre du monde... Tu sais qu'à un moment j'enseignais à Orléans. J'aurais pu très bien y trouver une chambre et tout, bon. Mais je préfèrais me taper une heure de train pour rentrer à Paris tous les soirs. Et pourquoi faire? Bah souvent je lisais ou j'écoutais la radio. Je rentrais à Paris pour écouter la radio. Mais je savais que la rue existait, qu'il y avait les cinémas, les restaurants, les rencontres avec des femmes sublimes.. Les milliers de possibilités qu'exprimait la rue, c'était là, possible, en bas. Je n'avais qu'à descendre...

A serious man

Un Coen sombre, la catégorie que je préfère.
Très noir, pas vraiment optimiste dans le fond, tout ça sur le modèle "comédie qui fait sourire".

Dans une banlieue très Edward aux mains d'argent, version juive, évolue notre héros : a serious man.
La comparaison avec The Barber est irrésistible, même façon d'avoir deux de tension, cette voix imperceptible, cette façon d'accepter les évènements avec presque une pointe de fatalisme, une passivité...

La référence filée à Jefferson Airplane tout au long du film prend tout son sens avec quelques mots qui sortent de la bouche d'un vieux rabbin.
La musique parole d'évangile?

Une vraie, et chouette, critique .