Un Conte de Noël
Par melody nelson, samedi 31 mai 2008 à 12:38 - movies
Sacré défi que d'écrire sur ce film dense, riche, aux multiples couches de lecture. J'ai aimé. Beaucoup. Les acteurs sont tous parfaits. Anne Consigny révélée, Deneuve fidèle à elle-même, Jean-Paul Roussillon pile dans le ton (de sa voix caverneuse), Mathieu Amalric juste génial, Chiara Mastroianni émouvante, Emmanuelle Devos même pas énervante (je n'aime pas trop cette actrice)... Mais il y a plus que ça. Un sentiment d'accomplissement, de grande maîtrise. Pourtant je ne connais pas du tout le cinéma de Desplechin. Je suis donc vierge de tout a priori. Ce qui m'étonne c'est que le film soit encensé par la critique mais si mal accueilli par le public qui le juge trop "élitiste". Oui, certes, les personnages sont issus d'un milieu plutôt "super qualité" et centrés sur leurs problèmes existentiels familiaux (ça ressemble à beaucoup de films français dit comme ça). Mais c'est tellement plus ce film. J'ai du mal à trouver les mots, les critiques lues à droite à gauche retranscrivent bien mon sentiment.
Un petit medley :
"Quelques secondes avant de faire semblant de minimiser le programme des festivités de Noël, Henri (Mathieu Amalric), malsain à souhait, une ordure, la pire de toutes, de celles qui ne prennent même pas la peine de vouloir séduire, dévisageait ses compatriotes : sa sœur Elizabeth (Anne Consigny), qui lui a barré l’entrée de la famille, son petit frère Ivan (Melvil Poupaud, à son meilleur) autrefois fêlé et désormais sauvé, ravi. Il pose les yeux sur son père (Jean-Paul Roussillon), replié sur son territoire, la musique, comme dans une bulle - il en est ainsi depuis la mort d’un plus petit frère -, et sa mère, «la femme de [son] père» (Catherine Deneuve, plus classe que jamais), sa mère, qui peut le dévisager tout en fumant une cigarette et, avec un calme presque réconfortant, lui balancer qu’elle ne l’a «jamais aimé». Contemplant cette crèche vivante, cette famille réunie pour l’occasion (entre la gravité du deuil et l’ivresse hystérique de la résurrection), il savoure : «On est ici en plein mythe et je ne sais pas de quel mythe il s’agit.» Comme effectivement ici maman s’appelle Junon, la mère de tous les dieux dans la mythologie romaine, et le père Abel, ce prénom à la fois hébraïque, biblique et coranique, on peut comprendre la perplexité hilare d’Henri et commencer à esquisser nous aussi un sourire : la puissance absolue de la mythologie Desplechin est de se présenter comme une pure construction. Elle opère là où elle veut, par greffe."